Voitures
Le Paradoxe du Rééquipement Électrique : Un Rêve Industriel Brisé
2025-05-29
L’histoire de Lormauto illustre les défis économiques et réglementaires liés à l’électrification des véhicules thermiques en France. Alors que cette entreprise normande promettait une révolution dans le domaine du rétrofit électrique, son effondrement rapide met en lumière les complexités inhérentes à ce secteur émergent.

Un Secteur Plein de Promesses Mais Fragile

Une Vision Innovante Pour Les Citadines Hors D'Âge

Dès sa création en 2020, Lormauto s’est imposée comme un acteur majeur dans le domaine du rétrofit électrique, transformant notamment les Renault Twingo première génération en véritables bijoux technologiques électriques. Le concept était audacieux : offrir aux propriétaires d’un modèle produit entre 1992 et 2007 la possibilité de moderniser leur voiture pour un coût abordable, autour de 12 500 euros après déductions fiscales. Cette proposition répondait non seulement à une demande croissante pour des alternatives écologiques, mais également à un besoin économique pressant dans un contexte où les véhicules électriques neufs restent encore inaccessibles pour beaucoup.

Cette approche n’était pas sans fondements techniques solides. Lormauto avait réussi à concevoir une solution complète qui permettait de remplacer le moteur thermique par un groupe motopropulseur électrique tout en préservant les caractéristiques originales du véhicule. Cette ingénierie sophistiquée garantissait une transition fluide vers une mobilité durable, adaptée aux besoins urbains spécifiques des citadins français.

Des Performances Techniques Qui Dépassaient Les Espérances

Avant sa fermeture, Lormauto avait déjà marqué l’industrie automobile par ses avancées technologiques notables. La société avait non seulement homologué avec succès des véhicules électrifiés destinés à une large clientèle, mais elle avait également mis en place une infrastructure industrielle capable de produire jusqu’à 3000 unités annuelles. Cette capacité de production locale témoignait d’une volonté de réduire la dépendance aux importations tout en favorisant une économie circulaire centrée sur la seconde vie des véhicules.

Outre sa contribution technique, Lormauto avait également obtenu plusieurs centaines de commandes malgré une visibilité médiatique limitée. Ce succès initial prouvait qu’il existait un marché potentiel pour ces solutions alternatives, même si celui-ci nécessitait encore une sensibilisation accrue.

Les Limites Financières Et Réglementaires Du Modèle

Malheureusement, les ambitions de Lormauto ont été freinées par des obstacles financiers et réglementaires insurmontables. En mai 2025, Franck Lefèvre, co-fondateur de l’entreprise, a officiellement annoncé la cessation d’activité via LinkedIn. Parmi les raisons invoquées figuraient des promesses de financement non tenues, notamment celles provenant de Bpifrance et du ministère de l’Industrie, qui avaient initialement proposé près de deux millions d’euros. Ces retards ou modifications dans les conditions ont privé l’entreprise des ressources vitales nécessaires à son développement.

Au-delà des problèmes de trésorerie, Lormauto faisait face à des défis structurels propres au secteur du rétrofit électrique. Les coûts élevés d’homologation, la concurrence croissante des véhicules électriques neufs devenant de plus en plus abordables, ainsi que l’hésitation du marché face à cette solution alternative ont contribué à fragiliser son modèle économique. De plus, le cadre réglementaire complexe pour l’homologation des véhicules transformés compliquait encore davantage les opérations.

Quel Avenir Pour Le Rééquipement Électrique En France ?

Si l’échec de Lormauto est indéniablement préoccupant, il ne signifie pas nécessairement la fin du rétrofit électrique en France. D’autres entreprises, telles que R-FIT et Transition-One, continuent leurs activités, bien que souvent concentrées sur des segments de niche tels que les véhicules de collection ou haut de gamme, où les marges sont plus confortables. Cependant, pour que ce secteur puisse véritablement prospérer, plusieurs mesures semblent indispensables.

Un soutien public plus cohérent et pérenne, accompagné d’aides financières mieux adaptées, serait essentiel. Une simplification des procédures d’homologation spécifique au rétrofit permettrait également de réduire les délais et les coûts associés. Enfin, une campagne de sensibilisation visant à promouvoir les avantages environnementaux de cette solution pourrait inciter davantage de consommateurs à adopter cette approche innovante.

Repenser Le Modèle Économique Pour Plus De Durabilité

Le cas de Lormauto souligne clairement la difficulté de proposer un rétrofit abordable pour le grand public. Les coûts de conversion demeurent élevés, représentant souvent entre 50 % et 70 % du prix d’un véhicule électrique neuf équivalent. Cela rend difficile la compétition avec des modèles neufs de plus en plus accessibles.

Pour assurer la viabilité à long terme de ce secteur, une stratégie plus ciblée pourrait être envisagée. Par exemple, se concentrer sur les flottes professionnelles, dont les cycles de renouvellement sont optimisés, ou sur les véhicules utilitaires légers, dont la durée de vie est généralement prolongée. Les amateurs de voitures anciennes, prêts à investir dans la transformation de leurs véhicules patrimoniaux, pourraient également représenter un marché porteur.

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