La Simca 1307/1308, introduite en 1975, fut un phénomène automobile en France. Sa conception avant-gardiste et son équipement généreux lui valurent le titre de Voiture de l'Année 1976. Malgré un succès commercial initial impressionnant, sa production accélérée au détriment de la qualité, notamment en matière de protection contre la corrosion, ainsi que l'arrivée de la Simca Horizon, ont entraîné un déclin rapide de ses ventes. L'acquisition par Peugeot des activités européennes de Chrysler a marqué la transition vers la marque Talbot. Paradoxalement, cette lignée de véhicules, y compris la 1510 et la Solara, a laissé un héritage inattendu, influençant des modèles ultérieurs comme la Peugeot 309 et la pionnière Renault Espace, démontrant ainsi son importance dans l'histoire de l'automobile française malgré son destin mouvementé.
En juillet 1975, les projecteurs se braquent sur Poissy, en France, où Simca, alors sous l'égide du géant américain Chrysler, dévoile sa nouvelle familiale tant attendue : la 1307-1308. Cette berline moderne, fruit du talentueux Roy Axe du groupe Rootes en Angleterre pour son design extérieur (connue sous le nom d'Alpine outre-Manche), est une bouffée d'air frais pour un constructeur en quête de renouveau, après l'échec de la 180 et le vieillissement des 1000 et 1100. Sa conception technique est purement française, héritant de l'ingéniosité de la 1100 avec son moteur transversal et sa suspension avant sophistiquée. Cependant, des contraintes budgétaires imposées par Chrysler forcent les ingénieurs de Simca à des prouesses d'ingénierie clandestine pour assurer la qualité des préséries.
Le moment de son lancement est idéal. La 1307-1308 se démarque de ses rivales, telles que la vieillissante Renault 16 ou la Citroën GS sans hayon, par son architecture contemporaine et son hayon pratique combiné à une banquette arrière modulable. Face à des concurrentes étrangères comme la Volkswagen Passat ou la Fiat 131, qui conservent des solutions techniques dépassées, la Simca de Poissy brille par sa tenue de route exemplaire, son confort soigné, ses performances honorables et sa consommation de carburant raisonnable, le tout à un prix compétitif. La presse unanime la couronne \"Voiture de l'année 1976\", un triomphe éclatant qui propulse les ventes à des sommets, avec 250 000 unités écoulées fin 1976 et 500 000 un an plus tard, faisant d'elle le véhicule familial par excellence.
Cependant, ce succès fulgurant cache une ombre. Pour répondre à la demande colossale, la production est accélérée, sacrifiant malheureusement la qualité. De nombreux exemplaires de la 1307-1308 subissent une corrosion précoce due à un traitement antirouille insuffisant, ternissant rapidement l'image de Simca. Parallèlement, la version Alpine ne rencontre pas le même engouement au Royaume-Uni, où sa motorisation bruyante et sa boîte courte ne plaisent pas aux automobilistes habitués à des véhicules plus raffinés et discrets comme la Ford Cortina.
L'année 1977 marque un tournant avec l'arrivée de la Simca Horizon, techniquement proche de la 1307 mais plus compacte et mieux conçue. Elle aussi est élue \"Voiture de l'année\", cannibalisant les ventes de sa grande sœur. L'arrivée des Peugeot 305 et Renault 18 aggrave la situation, et la 1307-1308, qui n'a pas bénéficié d'évolutions suffisantes, voit ses ventes chuter drastiquement dès 1978. La tentative de relancer l'intérêt avec la 1309 SX, dotée d'un moteur de 1,6 litre et d'une boîte automatique innovante pour l'époque, échoue en raison de performances décevantes et d'un coût élevé, dû à l'incapacité de la boîte de vitesses de la 1308 à supporter le couple du moteur plus puissant.
La production des 1307-1308-1309 cesse fin 1979, après avoir atteint près de 700 000 unités en quatre ans. Cette fin, bien que prématurée pour une voiture si prometteuse, ne marque pas la fin de son héritage. La 1510, qui lui succède, est une évolution directe, rebaptisée Talbot suite à l'acquisition de Chrysler Europe par Peugeot en 1978. La 1510 se distingue par une meilleure protection anticorrosion et une garantie de 6 ans. En 1980, la Talbot Solara, une version tricorps de la 1510, fait son apparition, bénéficiant enfin d'une boîte manuelle à cinq vitesses, empruntée à la Citroën CX. Malgré son élégance, la Solara connaît un succès modéré faute d'innovations. En France, la 1510 disparaît en 1983 et la Solara en 1986, bien que les Espagnols aient pu profiter d'une version diesel.
L'héritage de la Simca 1307/1308 est surprenant : sa mécanique a influencé la Peugeot 309, et surtout, sa plateforme a servi de base au prototype Matra P16, qui allait donner naissance à la révolutionnaire Renault Espace. De manière plus singulière, l'URSS, en quête d'une familiale moderne, a acquis quelques 1307-1308 en 1978, conduisant à la conception de la Moskvitch Aleko, une voiture qui, malgré ses origines, n'a pas rencontré le succès attendu en France dans les années 90.
Aujourd'hui, les Simca-Chrysler-Talbot sont devenues des pièces rares, leur valeur marchande limitée n'incitant guère à leur restauration, et les pièces spécifiques étant difficiles à trouver. Cependant, pour les collectionneurs avertis, un exemplaire en bon état à 3 000 € représente une véritable aubaine, témoignant de l'importance historique de ce véhicule dans l'évolution de l'automobile européenne.
L'histoire de la Simca 1307/1308 nous enseigne que même les succès les plus éclatants peuvent être éphémères face aux aléas de la production et aux stratégies industrielles. Cette voiture, née dans l'urgence et sous contrainte financière, a su innover et marquer son époque, mais son destin a été scellé par un manque d'investissement continu et des décisions commerciales qui ont finalement conduit à sa dilution dans l'histoire automobile. C'est une leçon sur l'importance de la vision à long terme et de la constance dans la qualité, des piliers essentiels pour pérenniser le succès d'un produit, quelle que soit son ingéniosité initiale.